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Vol. 10. Núm. 1.
Páginas 169-173 (enero - junio 2015)
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Vol. 10. Núm. 1.
Páginas 169-173 (enero - junio 2015)
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Bosques Gilberto, La diplomatie au service de la liberté. Paris, Marseille (1939-1942), présenté par Gérard Malgat, Marseille, Éditions L’atinoir. 2013, 398 pp.
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Rubén Torres Martínez
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« L’Histoire enregistre des périodes obscures et critiques, de décadence politique et humaine, à travers lesquelles les forces revendicatives du peuple finissent toujours par se frayer en chemin. Dans cette lutte titanesque pour la restauration de la liberté et du droit, et pour l’édification d’un monde nouveau sans tyrans ni opprobres, dans laquelle le Mexique assume le rôle que lui dicte sa tradition de pays indomptable face à l’agression et de peuple fidèle à la cause de la liberté, la France retrouvera, assurément, grâce à l’effort et au sacrifice de ses vrais patriotes, le haut prestige universel qui est l’essence même de son histoire et que les actes négatifs de cette tragique période pourront éclipser momentanément, mais ne pourront jamais effacer ».

Gilberto Bosques, Le Mont d’Or, 30 janvier 1943.

Inscrit dans la même ligne paradigmatique de Robert Mencherini, Claude Liauzu et Lillian Liberman, Gérard Malgat (Ablis 1951) nous présente un hommage mérité du diplomate méconnu Gilberto Bosques Saldívar (1892-1995). Le livre est divisé en huit chapitres auxquels s’ajoute l’introduction, un épilogue et de riches annexes. Celles-ci malgré leur potentiel nous semblent très peu exploitées; l’auteur signale qu’il essaiera d’en tirer le meilleur dans un ouvrage postérieur. Son livre se ferme avec une postface, une bibliographie, une table de sigles ainsi qu’un index onomastique, outil pratique pour une lecture rapide.

Le livre présente une vision assez complète et panoramique de la mission de Bosques entre 1939 et 1942, dans une Europe en guerre où la diplomatie joue un rôle primordial. Malgat montre d’abord autant le contexte personnel qu’historique où Gilberto Bosques a grandi et s’est formé (un environnement culturel et révolutionnaire riche l’entoure durant les premières années de son existence). “Pendant six ans, Gilberto Bosques va étudier au domicile familial, ‘avec un esprit plutôt ouvert car cet enseignement se faisait en plein nature tropicale, avec toutes les ressources vives’… En 1907… il a décidé d’être maestro, persuadé que l’éducation est le secteur essentiel de la transformation de la société mexicaine. Cette vocation pédagogique va de pair avec ses convictions politiques et il intègre le mouvement étudiant favorable à Francisco I. Madero” (22-23). Cette attitude, explique Malgat, montre l’engagement révolutionnaire et progressiste de Bosques, qui le rapprocherait au groupe cardeniste de la Révolution. C’est dans un contexte international de conflit que Lázaro Cárdenas mettre en œuvre une stratégie pour placer le Mexique au niveau de la plus haute diplomatie, surtout après l’expropriation pétrolière qu’il avait réussit. Au fondement de cette politique se trouvait le support que le président Cárdenas procurait à la République espagnole. Des personnalités telles Narciso Bassols, Isidro Favela, Luis I. Rodriguez et Emilio Portes Gil travaillent de concert avec Gilberto Bosques comme représentants de la politique internationale cardeniste. Malgat n’hésite pas, avec raison, à placer à Bosques parmi les grands diplomates mexicains de tous les temps.

Malgat expose que la mission principale de Bosques était de préparer le sauvetage des républicains mis en difficulté par le coup d’État de Franco de 1936. Lázaro Cárdenas avait confié cette mission à Bosques car le président avait toute confiance en lui grâce à son engagement, mais aussi par sa capacité de négociation très diplomatique, à savoir: tolérante et ferme à la fois. “Parmi les représentants… figure un homme de confiance, qui ne fait pas partie du sérail diplomatique mais qui l’a fidèlement accompagné dans son itinéraire révolutionnaire” (35). Malgat présente le parcours de Bosques d’abord par la France de la IIIème République, ensuite par la France en guerre et finalement par la France de Vichy, de Paris à Marseille en passant par Bayonne. Dans sa tâche de sauvetage de républicains espagnols Gilberto Bosques a dû faire face non seulement aux régimes nazi et vichyste mais aussi aux jeux de la diplomatie franquiste que demandait l’extradition de milliers d’Espagnols dans le sol français. Plus surprenantes et difficiles à gérer pour Bosques s’avèrent les complications internes aux organisations républicaines en exil, la jare (Junta de Ayuda a los Republicanos Españoles) et la sere (Servicio de Evacuación de Republicanos Españoles), qui se confrontaient de façon permanente pour conserver la représentation officielle du champ républicain en exile.

Les archives consultés par Malgat laissent aussi apparaître des personnages obscurs du franquisme, tels que José Félix de Lequerica, ambassadeur du Franco auprès de la France, et Pedro Urraca Rendueles (Perico), agent attaché à l’ambassade d’Espagne en France. Malgat montre comment ces personnages étaient la contrepartie de Bosques sur l’échiquier politique et diplomatique français de la fin des années 30 au début des années 40. “En septembre 1939, le gouvernement français cède aux pressions de Lequerica et consent à ouvrir une information judiciaire contre le sere. Parallèlement il renforce la surveillance des diplomates mexicains, soupçonnés d’être des complices actifs des partis communistes. Dans un rapport établi le 16 novembre 1939, le ministre des Affaires étrangères demande une enquête sur le rôle des représentants mexicains” (68).

C’est à partir du chapitre IV “Le consulat mexicain à Marseille, carrefour des persécutés”, que Malgat plonge dans des sources de première main: témoignages, lettres, entretiens. Il montre comment Gilberto Bosques depuis Marseille a bâti et dirigé tout un réseau politique, administratif, diplomatique et humain, qui contribue à sauver à milliers des personnes fuyant les régimes fascistes et nazis; ce réseau développait simultanément une forme de résistance européenne à ces mêmes totalitarismes. Malgat ne tombe pas dans le piège de l’adulation facile et montre comme Gilberto Bosques était aussi juste un maillon dans l’ensemble d’une chaîne internationale plus ample; ainsi on trouve de noms tels que Eduard K. Barsky (responsable de l’aide new-yorkaise aux exilés espagnols) et Varian Fry (dirigeant du Comité Américain de Secours [cas]), parmi les multiples personnalités qui ont aidé d’une façon ou d’une autre la résistance.

La même logique est suivie dans le chapitre VI “Activités licites et coopérations clandestines”, où Malgat décrit de façon assez détaillée comment opérait les réseaux clandestines dans lesquels se déployait l’activité militante de Gilberto Bosques: “Gilberto Bosques octroie des visas à des Italiens, des Autrichiens, des Yougoslaves en sachant qu’en réalité ils n’ont pas l’intention d’émigrer au Mexique mais qu’ils s’apprêtent à rejoindre clandestinement leur pays pour prendre part à la lutte antifasciste… Ils comptent parmi eux Kosta Nagy et Ludomir Illitch, qui dirigera l’évasion collective de Castres et qui plus tard sera nommé ambassadeur de Yougoslavie au Mexique, où il renouera avec Bosques. Les deux hommes resteront liés par une solide amitié” (201-203). L’auteur montre également comme Bosques avait réussi à monter un journal “international” que lui-même dirigeait et distribuait parmi les membre du corps diplomatique mexicain et allié. Malgat met donc justement en lumière l’esprit journalistique que Gilberto Bosques a eu toujours.

A première vue, on a la sensation que le chapitre V “La protection diplomatique des châteaux de la Reynade et de Montgrand” ne se trouve à la bonne place dans le livre car ce chapitre est peut-être le cœur même de l’ouvrage. Malgat fait un travail de dépouillement des archives titanesque, il expose de chiffres, des données, des photos et des témoignages épistolaires, pour ainsi vraiment plonger le lecteur à l’époque et dans l’environnement où le consul réalisait divers actions pour mener à bien sa mission de sauvegarder la vie de milliers des gens: les adresses, les reports, les lettres, les noms des organisations, les accords avec les autres autorités, tout ou presque tout est présente par Malgat dans ce chapitre, lequel, nous insistons, constitue le cœur de l’ouvre. Nous ne pouvons que nous réjouir d’avoir en main ces précieuses informations recueillies et organisées de façon précise et chronologique par l’auteur du livre. Ces renseignements donnés par Malgat rendent, en eux-mêmes, un hommage à Bosques. Les activités de travail et récréatives sont présentés et nous laissent voir l’ampleur de la tâche effectuée par le consulat du Mexique à Marseille: “Pendant les douze mois et demi de leur fonctionnement, les cuisines de la Reynarde servent 299 412 petit-déjeuner, 299 167 déjeuners et 301 167 dîners. Puis de décembre 1941 à juin 1942, la cuisine de la résidence de Montgrand fournit près de 100 000 repas” (151). Cet exemple permet fait percevoir la somme de travail abattue par Bosques comme le travail d’archives effectué par Malgat dans son ouvrage.

À partir du chapitre VII “1942: durcissement de l’Occupation et aggravation de la répression” Malgat montre comme peu à peu Gilberto Bosques est obligé à laisser tomber ses activités mais sans jamais le faire complètement, car le consul continue, au prix d’efforts extraordinaires, à faire embarquer des réfugiés vers le continent américain (à destination des États-Unis comme de l’Amérique Latine); malgré tout comme le signale l’auteur l’oeuvre de sauvetage s’arrête dès la fin 1942: “À partir de novembre 1942, les départs en bateau vers l’Amérique deviennent impossibles. Environs 8 000 réfugiés espagnols ont pu émigrer vers le continent américain entre 1940 et 1942”(228). Malgat évoque également le changement de statuts connu par Bosques au milieu de l’année 1942 quand il devient chargé d’affaires auprès de la France en remplacement du controversé général Aguilar, ministre nommé dès 1941 par le président Avila Camacho. Cette partie, au regard de l’ensemble de l’ouvrage déjà fait par Malgat, nous laisse dans notre faim car il nous semble que cet épisode assez mal connu dans l’histoire de la diplomatie mexicaine méritait d’être mieux exploité.

Au chapitre VIII, “Le coup de force contre la légation et l’assignation à résidence en Allemagne”, Malgat reproduit intégralement la protestation énergique faite par Bosques par le “Coup de force contre la légation mexicaine” (234-238). Sans doute l’auteur a décidé, non sans raison, de garder l’intégralité de la protestation vu son importance et la richesse de la description faite par le même Bosques. Il montre ainsi la personnalité complexe et forte du chargé d’affaires, un homme diplomatique mais ferme et toujours attaché aux principes du droit humain. L’emprisonnement du Bosques pendant plus d’un an est aussi l’occasion pour le diplomate de mettre en marche des nouveaux projets, qu’expose Malgat “Gilberto Bosques et le docteur Carneiro, membre de la délégation brésilienne, mettent sur pied une série de conférences. Bosques ouvre le cycle le 14 janvier 1944 en intervenant sur la Réforme Agraire au Mexique… on organise des fêtes, de récitals de poésie (avec la participation de six poètes que compte la collectivité des captifs de Bad-Godesberg), plus rarement un bal…cours de langues, de mathématiques et d’histoire de l’art pour les enfants” (249-250). Malgat souligne surtout l’esprit pédagogique mais également le leadership propre à Bosques. Traitant la phase de retour au pays, durant l’année 1944, Malgat finit par affirmer, de manière parfaitement fondée, que le diplomate a aidé plus de 120 000 espagnols, chiffre considérable et encore plus remarquable en temps de guerre.

Malgat clôt son livre par un épilogue comportant une réflexion sur le retour d’une France libérée après la guerre et le traumatisme de milliers d’espagnols qui observent avec stupéfaction comment les vainqueurs, à savoir les alliés, décident de garder à Franco à la tête d’une Espagne fasciste pour établir un nouveau ordre mondial qui s’annonce déjà bipolaire. Entre temps, en 1946, Gilberto Bosques devient ambassadeur du Mexique au Portugal afin de continuer avec sa tâche de sauvetage des espagnols réfugiés. Il continue à montrer ses capacités diplomatiques. Malgat nous annonce qu’un outre ouvrage sur Bosques après-guerre est en préparation.

Les annexes assez nombreuses (263-367) sont des témoignages, des discours, des articles, des lettres et des photos qui permettent d’observer de façon plus panoramique ce personnage qu’était Gilberto Bosques Saldívar: “ainsi était Gilberto Bosques: un homme de haute culture et de fortes convictions, à la fois pédagogue et journaliste, juriste et philosophe, combattant révolutionnaire et diplomate… Si les armes changèrent –la plume remplaça le fusil– les causes défendues restèrent les mêmes: le droit de chaque personne à l’éducation, à la liberté, à la dignité, a la justice… un homme de la liberté” (261).

On ne peut regretter certaines erreurs, comme celle de l’explication de la note 1 de bas de page 25 à propos du Congrès de l’Union (l’auteur expose l’actuelle composition du Congrès de l’Union sans préciser qu’en 1922, année durant laquelle Bosques Saldívar devient député fédéral, le nombre de députés était de 300 et non de 500 comme actuellement). Page 71, il affirme que le candidat à la présidentielle de 1940, Juan Andreu Almazán, opposant au régime et plus spécifiquement au cardenisme, était soutenu par le Partido Revolucionario de Acción Nacional (pran) quand en réalité il s’agit du Partido Revolucionario de Unificación Nacional (prun), un erreur qui pourrait induire le lecteur non-spécialiste du Mexique à confondre le prun avec l’actuel Partido Acción Nacional (pan); ou encore une approximation pages 252-253 quand l’auteur nomme la gare de Buenaventura comme lieu d’arrivée de Bosques à Mexico à son retour, quand nous savons que telle gare n’existe pas et qu’il s’agit de la gare de Buenavista, qui fonctionne toujours. On note également certaines coquilles comme celles des pages 35 (1838 pour 1938) ou celle du page 73 (minitre pour ministre).

Heureusement ces erreurs, minimes, n’ont aucun impact négatif sur l’ensemble de l’ouvre. Le livre de Malgat semble indispensable pour tout individu qui s’intéresse à l’histoire de Marseille, de la Provence et de France, mais également au droit international et à la diplomatie de haut vol sur le terrain en période de guerre. Gilberto Bosques servira d’exemple, grâce à l’ouvrage de Malgat, de l’effort et du rôle que la politique international cardeniste a joué pendant ces années noires de conflit mondial. Le travail fourni par Malgat mérite à lui seul un grand merci et une sérieuse reconnaissance pour avoir exhumé ce personnage encore très peu connu. Nous pouvons affirmer que le livre est un témoignage-hommage pour Bosques. Il serait intéressant de connaître une réflexion plus approfondie de l’auteur à propos de son sujet, il est probable que cet exercice de réflexion arrivera dans le second tome. Quoi qu’il en soit, le livre rend justice à un Mexicain hors du commun, désormais de plus en plus connu grâce à des travaux comme ceux de Malgat.

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